Les conséquences de la pollution de la baie ont commencé à se faire sentir depuis plus de 20 ans maintenant. Et cela, à plusieurs niveaux. D’abord sur le plan environnemental, ensuite au niveau de la santé des populations. Les techniciens médicaux intervenant dans la zone de Hann ont remarqué chez les habitants la récurrence des maladies de la peau (épidermiques) surtout chez les enfants, des affections pulmonaires et d’autres types de maladies liées à la nature hostile de l’environnement. La raréfaction des ressources halieutiques ayant aussi des incidences sur la bourse des habitants de ce village essentiellement composé de pêcheurs. «Ima­ginez un village de pêcheurs où ils ne parviennent plus à pêcher ! Nous n’avons ni allocation familiale ni prise en charge médicale, ni pension de retraite : Korité, Tabaski, ou­verture des classes, nous dépendons et attendons tous de la mer. Il n’y a aucune politique de l’Etat pour permettre à ces jeunes d’être au moins des professionnels de la pêche», déplore-t-on dans les rues de Yarakh qui a fini de devenir un cimetière de pirogues, de déchets domestiques et industriels.
Aujourd’hui, dans ce village, plusieurs types de pirogues qui servaient alors à pêcher le poisson à même la berge ont disparu et bon nombre de poissonneries sont devenues des lieux de stockage de céréales pour le port de Dakar. Les jeunes désœuvrés sont devenus les principaux candidats à l’émigration clandestine. Babacar, un des pionniers de l’Association migration et développement, qui a assisté aux premières vagues de migration dans ce quartier, raconte : «L’émigra­tion clandestine a débuté ici à Yarakh. Quand l’humoriste Kouthia disait en 2006 que l’aéroport se trouve à Yarakh, il ne blaguait pas. Les jeunes de Kaolack, Fatick, Kolda, Tamba, tous, embarquaient d’ici. Nous sommes les seuls à pouvoir vous livrer les statistiques exacts. Pas plus tard qu’en décembre 2016, nous avons perdu 9 de nos jeunes qui tentaient de rallier les côtes espagnoles en partant du Maroc. N’arrivant plus à attraper du poisson, ils ont pris les pirogues pour partir. Il est difficile de les retenir dans ces conditions.» Certains sont morts, d’autres sont arrivés et une petite quantité a réussi, toujours est-il que ces jeunes partent. Le village est rempli de chômeurs. Le nombre de chômeurs, grimpant dans le quartier et dans les maisons, fait qu’à chaque fois que les «gosses» voient la moindre pirogue, ou le moindre véhicule qui va vers le Maroc, ils s’en vont. Ces jeunes qui s’accommodent mal de la situation précaire de leur père, mère et pour certains de leur fils, veulent partir à tout prix. «Ils savent qu’il y a des risques, mais ils disent le risque c’est Dieu seul qui sait. On peut aller réussir comme on peut mourir. Cela vaut mieux que de rester ici à écouter des discours, des tissus de mensonges, de la tromperie des autorités plus promptes à organiser des tannebeer (séance populaire de tam-tam). Ils prennent leurs responsabilités» soutient-on. En faisant fi du drame psychologique que cache ce drame migratoire ? «Il y a une maman qui a perdu deux de ses enfants. Elle a eu une crise lorsqu’elle a appris la nouvelle. Et aujourd’hui encore, elle demande toujours des nouvelles de ses enfants. Il n’y a aucune prise en charge psychologique.» Ces témoignages en disent long sur les conséquences de la pollution de la baie de Hann que des associations essayent de dépolluer depuis des années.