«Triste journée pour le basket sénégalais qui va porter en terre Claude Constantino, l’une de ses plus représentatives icônes, décédé à Paris mardi dernier après une longue maladie.
Né le 12 décembre 1938 à Dakar, de parents d’origine capverdienne, son père étant arrivé à Dakar en 1911 à l’âge de 6 ans, venant des îles du Cap Vert pour rejoindre sa grand-mère, il a porté haut les couleurs sénégalaises durant sa carrière sportive exemplaire.
Son nom est étroitement lié à l’histoire du basket sénégalais. Comment la connexion de ce jeune élève de l’école Saint Michel, puis des cours Sainte Marie de Hann qui a grandi au Plateau, a été faite avec cette discipline sportive qui a apporté beaucoup de titres au Sénégal au lendemain des indépendances ?
C’est en 1951 que le joueur bien connu de la Jeanne d’Arc, Cheikh Diaw, a interrompu un match de basket que le jeune Claude disputait avec des amis juste pour s’amuser, alors qu’il avait 13 ans, pour leur proposer de les inscrire à un concours pour les jeunes basketteurs et de venir les entraîner tous les jours avant ce grand test de passes, dribbles, lancers etc.
Claude Constantino a ainsi participé au stade de la Médina, actuel stade Iba Mar Diop, au concours en deux phases organisé par la Fédération de basket de l’Afrique occidentale française. Terminant premier, ce concours le qualifia avec le second Pierre Senghor pour le tour final qui devait se dérouler à Paris au stade Charlety. A l’issue du concours national français regroupant 65 participants, il a été classé… 9ème et Pierre Senghor 13ème. Les français voulaient qu’il reste à Paris, mais sa mère refusa estimant qu’il était trop jeune. C’était cependant parti pour une belle carrière de basketteur, puis d’entraîneur.
De retour de Paris, la Jeanne d’Arc les intégra dans son effectif et il continua à être entraîné par Cheikh Diaw. Il franchit alors allégrement les étapes et à l’âge de 15 ans (1953) commença à être titulaire de l’équipe première qui était constituée de joueurs de talent comme Larry Diouf, Roger Corréa, Mangane etc.
D’autres grands joueurs sont venus ensuite comme Julien Jouga, Mousse Narou Ndiaye, Wagane Diouf, Auguste Sambou, Papa Demba Cissé, William Samb, Claude Sadio etc. C’était l’époque des grandes empoignades avec les clubs de Dakar (le Foyer France Sénégal, Ustd, Club nautique dakarois : (Us Gorée) et de Saint-Louis (Saint-Louisienne, Avenir de St-Louis, les Espoirs de St-Louis).
Ce fut ensuite une vie de basket pleinement marquée par les compétitions au niveau de l’Afrique occidentale française (Aof) par les Jeux de la fédération, puis avec l’indépendance les Jeux africains, les Cham­pionnats d’Afrique, les Jeux olympiques (Mexico 68) etc.
En 1963, le gouvernement du Sénégal, en coopération avec la France, organisa un concours de sélection pour aller faire une formation de conseiller sportif (9 mois) dans différentes disciplines à l’Inseps à Paris. Il fut retenu avec Bonaventure Carvalho et Kader Diallo. De retour au pays en 1965 avec le Certificat d’instructeur d’éducation physique et des sports (spécialité basketball) et le diplôme d’entraîneur 3ème degré de France, il a servi à différents postes, notamment à Saint-Louis et Dakar, tout en continuant à jouer.
Sur demande de la Fsbb et l’insistance du nouvel entraîneur national Alioune Diop, durant l’année 1965, il a été affecté à l’Inspection régionale de la jeunesse et des sports du Cap Vert (actuelle région de Dakar) comme conseiller aux Sports et adjoint de l’Inspecteur régional afin de pouvoir participer aux entraînements journaliers de l’Equipe senior masculine dont il était le capitaine.
En 1966 avec l’accord de la Fsbb, il y eut la création de la première Direction technique nationale de basketball en Afrique, dirigée par Alioune Diop. Claude Constantino y occupait le poste de chargé de la Formation des entraîneurs et des jeunes.
Il a fait partie de l’épopée glorieuse du basket sénégalais lors des Championnats d’Afrique masculins. Depuis 1964, le Sénégal dont il était le capitaine se qualifiait toujours à cette prestigieuse compétition après avoir passé par les phases éliminatoires. Notre pays se classait très souvent parmi les quatre premiers et en 1968 le premier titre continental fut remporté haut la main à Rabat contre le pays organisateur, le Maroc. En 1971, rebelote à Dakar où le Sénégal conquit pour la deuxième fois le titre et se qualifia pour les Jeux olympiques de Munich. Claude Constantino y participa comme entraîneur national adjoint. Avec l’intégration dans l’Equipe A championne d’Afrique de la majorité des jeunes de l’Equipe nationale B et le départ du sélectionneur national Alioune Diop, il a ensuite été nommé entraîneur national pendant deux années.
Parallèlement à sa carrière d’entraîneur, il a occupé différents postes dans l’Adminis­tration du sport de 1972 à 1987 comme ceux d’Inspecteur régional du Cap Vert, Chargé de mission au ministère des Sports, directeur des Sports par intérim, secrétaire général de la Fédéra­tion sénégalaise de basketball etc.
Une page importante de sa vie ! Sur demande de la République du Cap Vert, son pays d’origine, le Sénégal, son pays d’adoption, avait accepté de le détacher comme Assistant technique à partir de 1987 afin d’aider à développer pendant des années le basketball dans les îles. Une forme de coopération sud-sud fructueuse. Entraîneur, formateur des formateurs, administrateur du sport, Conseiller des différents ministres, il a permis au basketball capverdien alors embryonnaire de se structurer pour compter dorénavant en Afrique. A une certaine période, il a aussi été assistant technique en Guinée.
Un nombre incalculable de joueurs et d’encadreurs techniques et administratifs ont été formés par Claude Constantino au Sénégal et sur le continent. Comme Alioune Diop, Cheikh Diaw et Bonaventure Carvalho, il aura dédié une bonne partie de sa vie au basketball sénégalais.
En tant qu’expert Fiba jusqu’à sa disparition, il a en plus donné une dimension africaine à son engagement pour le développement de cette discipline. Cet homme au port altier et à l’urbanité proverbiale mérite un hommage à la mesure de son parcours exceptionnel.
Repose en paix glorieux capitaine !»
Cheikh Tidiane FALL
Journaliste sportif
Ancien Rédacteur en Chef du Soleil